Retrait des armes nucléaires

Qu’en est-il du retrait des armes nucléaires des pays qui les accueillent ?
Retrait des bombes dans les pays "hôtes"
Aujourd’hui, on estime à 180 les bombes nucléaires tactiques (c’est-à-dire à courte ou moyenne portée) américaines présentes dans les quatre pays pays européens qui les accueillent (Pays-Bas, Allemagne, Belgique et Italie, la Turquie n'en faisant probablement plus partie depuis peu).Il y a plusieurs facteurs qui soutiennent le statu quo et empêchent leur retrait actuellement :
- Les intérêts du complexe militaro-industriel sont déterminants sur la question. Les bombes sont actuellement de type B61-3 et B61-4, mais il est prévu qu'elles soient modernisées et remplacées par des B61-12 (qui seront trois fois plus puissantes que la bombe d’Hiroshima). Le coût de développement de ces B61-12 atteint les 10 milliards de dollars. Pour pouvoir les utiliser, il faudra disposer du tout nouvel avion de chasse produit par la société américaine Lockheed Martin; le F-35. A lui tout seul, le F-35 soutient 130.000 emplois américains directs, sans compter les nombreux contrats avec les fournisseurs nationaux… Il devrait rapporter 380 milliards de dollars à l’économie étasunienne. La volonté d’un retrait de la part des USA est très improbable, étant donné l’ampleur de l'enjeu économique.
- Les gouvernements des pays accueillant les bombes tiennent beaucoup à garder de bonnes relations avec à la fois les États-Unis, l’OTAN et leurs alliés (surtout la France et la Grande-Bretagne). L’Alliance qui unit les pays faisant partie de l’OTAN repose sur le partage du fardeau nucléaire. Autrement dit, les armes nucléaires sont fournies et financées par les américains et servent à protéger les pays de l’Alliance, tandis qu'en échange, certains pays acceptent la responsabilité de les accueillir sur leur sol, ainsi que celle de leur utilisation le cas échéant (par système de double clé). De plus, en cas de retrait des bombes américaines du sol européen, cela pourrait mettre la France et la Grande-Bretagne dans une situation délicate. La France aurait, seule, la possibilité de transporter et d’utiliser l’arme nucléaire au niveau européen, ce qui pourrait faire d’elle la cible suivante de la dénucléarisation. La Grande-Bretagne désire suivre la volonté de son allié le plus important : les États-Unis.
Les options du retrait :
1. Les États-Unis et la Russie négocient une réduction puis une élimination de leurs stocks d’armes nucléaires qui inclurait à la fois les armes tactiques et stratégiques. Problème : il est très probable que les bombes françaises et britanniques fassent partie du package... ce qui ne serait pas du tout au goût de ces deux états. La tension présente entre les États-Unis et la Russie ne plaide pas non plus en faveur de cette possibilité.
2. Un consensus se dégage au niveau de l’OTAN pour un retrait, ce qui est très improbable actuellement.
3. Les États-Unis acceptent le retrait dans le cadre d’un accord bilatéral avec la Belgique ou avec un des autres pays “accueillants”. Dans le second cas, il est permis de penser que ça rendrait possible, par ricochet, un retrait dans tous les pays européens concernés.
La Grèce, histoire d’un retrait... discret
Les bombes nucléaires américaines stationnées en Grèce - une vingtaine - ont été retirées en 2001, en toute discrétion selon Hans M. Kristensen (Fédération of American Scientists). Le retrait s’est effectué par accord bilatéral avec les USA, les Grecs ayant décidé de ne pas acheter de nouveaux avions de chasse dotés d’une capacité nucléaire. Ces bombes ont alors été transférées en Italie.La Turquie, histoire d’un retrait... sécuritaire
Le 15 juillet 2016, la Turquie subit une tentative de coup d’état. Pendant ces quelques heures durant lesquelles le pays vacille, une incertitude particulière concerne le sort de la base militaire d’Incirlik, supposée abriter une cinquantaine d’armes nucléaires américaines. Un mois plus tard, le think tank “Stimson Center” soulignait que ces bombes stockées en Turquie présentaient un risque élevé, soit de servir de cible pour les terroristes, soit de tomber dans des mains ennemies. Quelques jours plus tard seulement, et de façon non officielle, les armes nucléaires ont vraisemblablement quitté la Turquie pour être transférées vers l’Italie.Ce bref historique nous montre non seulement que leur présence chez nous n’est pas immuable, mais aussi que la pression de la société civile sur le gouvernement fédéral belge jouera un rôle clé sur la volonté active et l’énergie que les départements de la Défense et des Affaires étrangères décideront de jouer dans l’OTAN sur ce sujet.